Lorsque j’ai su que mon père était atteint d’un cancer, j’ai eu cette envie folle de retourner le voir, au Puy-en-Velay, et de me faire une collection de souvenirs avec lui. Des beaux souvenirs, des photos, des voyages, des randonnées, parce que oui, on oublie souvent que les lieux sont porteurs de souvenirs, ils ne sont pas qu’une destination.
Les derniers beaux souvenirs dont je me rappelle avec lui, c’est cette semaine de vacances pour le voir au Puy. Après tant d’années séparés, nous étions réunis. J’ai découvert une jolie ville, j’ai redécouvert un père, on s’est engueulés, réconciliés, parlés. On a randonné, toute une après-midi pour aller jusqu’à une cascade, la dernière après-midi pour finir par faire cette rencontre avec un bel écureuil. Lorsque je suis partie, il pleurait, je pleurais, et je me rappelle encore de cet instant-là.
Je n’ai pas fait ce voyage-collection de souvenirs. Il n’était pas bien à ce moment-là, j’ai eu peur qu’il déconne, parce qu’il avait quelques soucis. Et puis un peu plus tard, quand il m’a demandé de venir, je lui ai dit que j’avais la rentrée et que je viendrais, bientôt. Et puis voilà, il est mort, moins de 6 mois après qu’on lui ait trouvé ce cancer. Plus que des souvenirs.
Quelques années plus tard, j’ai enfin pu me refaire ce périple, sans lui. On a roulé jusqu’à la cascade de la beaume, une superbe cascade au pied de laquelle il fait bon se baigner l’été.
On s’est arrêtés à la boulangerie du village précédant la cascade. La boulangerie même dans laquelle on avait ENFIN pu boire quelque chose après des heures de marche sans rien. Puis on a fini à son ancien appartement. Un petit appartement dans le centre, sans prétention.
Aujourd’hui, je ne sais pas ce que ça aurait fait, si je l’avais fait, mon voyage collection. Est-ce que j’y aurais gagné quelque chose ? Des choses en plus pour tenir le coup ? Pour me dire que ça va aller ? Ou est-ce qu’au final, je l’aurais vécu dans le même état d’esprit dans lequel j’étais à ce moment-là, en me disant que j’aurais bien du temps pour accepter ça, m’y préparer.
Mais mon voyage collection, j’ai fini par le refaire et je ne le regrette pas. Parce que les lieux sont porteurs de souvenirs, ils gardent avec eux les émotions fortes, et pour dire au revoir, repasser encore sur ces mêmes lieux jusqu’à ce que ça aille, je pense que c’est important.
Parce que comme Victor Hugo le disait si bien, Une ville finit par être une personne.
Et lorsqu’on a pas pu dire au revoir à la personne comme on l’aurait voulu, dire au revoir à la ville permet parfois d’apaiser un peu le cœur, au final…
Un jour, je retournerai au Puy-en-Velay, et cette fois-ci, je ferai tout ce que je n’ai pas fait avec lui, par flemme ou par manque de temps, pour m’approprier cette ville qui était la sienne.
8 comments
Je comprends tellement bien ce que tu as écrit là!!!!
:calin:
Merci pour ce bel article qui m’a beaucoup touchée. Oui, une ville finit par être une personne et je crois aussi que retourner sur ces lieux est important. Tant de souvenir…Ça peut faire mal, mais un bien fou aussi. Bises ♥
Oui voilà, c’est quelque chose dont j’ai parfois besoin quand certaines relations se finissent, de repasser sur les lieux 🙂
Si touchant et si vrai !
Ton article est très émouvant, ça fait du bien c’est vrai, de refaire un voyage et de pouvoir boucler la boucle…
Exactement ça : boucler la boucle ! 🙂
[…] mise sous filtre des sentiments et des émotions en regardant une ville (parce que « Une ville peut être une personne » comme je vous le disais […]